Que ce  soit des noms de personnes ou des toponymes, les noms propres désignent des  choses spécifiques. C’est pour cela qu’ils sont uniques. Mais lorsque la différence  de langue s’en mêle, la question ne demeure pas si simple, et il arrive que  cela devienne un obstacle à la traduction. Prenons d’abord pour exemple le nom  des personnes. On rencontre souvent des prénoms ([Ang] first name) associés à  ceux des 12 apôtres (apostles) dans la chrétienté (christendam). C’est un  phénomène commun à une très grande zone géographique ; c’est pourquoi bien  que les prénoms dérivent à l’origine de celui du même apôtre, il arrive  fréquemment que les notations varient selon les langues : il faut donc  faire attention. Par exemple, celui qui est appelé petoro (ou petero) au  Japon, s’appelle Pierre en français, et Peter en anglais. Je présente les  principaux dans le tableau ci-dessous, respectivement en japonais, français et  anglais, mais j’ai exclu ceux pour lesquels il n’y a pas consensus.
               
              
                
                   
                    Shimon                      | 
                    Simon | 
                     Simon | 
                   
                   
                    | Andere  | 
                    André | 
                     Andrew | 
                   
                   
                    | Yakobu | 
                    Jacques | 
                     James | 
                   
                   
                    | Yohane  | 
                    Jean | 
                     John | 
                   
                   
                    | Philipo | 
                    Philippe | 
                     Philip | 
                   
                   
                    | Bartoromai  | 
                    Barthélemy | 
                     Bartholomew | 
                   
                   
                    | Mataï  | 
                    Matthieu | 
                    Matthew | 
                   
                   
                    | Tomasu  | 
                    Thomas | 
                    Thomas | 
                   
                   
                    | Yuda  | 
                    Judas | 
                    Judas | 
                   
                 
                  
                Dans le cas de Simon et de Thomas,  l’orthographe est la même en français et en anglais, mais les prononciations  diffèrent : dans le premier cas, on dit "Simon", et "Saï  mon" pour le deuxième. Pour les autres, c’est encore plus compliqué. Le  populaire Prince Andrew d’Angleterre devient le Prince André en français, et le  roi James II, qui a perdu sa couronne et contraint de se réfugier en France  lors de la Glorious Revolution (la deuxième révolution anglaise), y est appelé  Jaques II ; enfin, le célèbre « massacre de la Saint-Barthélemy »,  que l’on retrouve dans l’Histoire de France, devient en anglais « the  massacre of the Saint Bartholomew » , et quel que soit la langue dont on  l’a appris, il est quasiment certain qu’on sera déconcerté.
                
                
                Qu’en  est-il des toponymes ? C’est très compliqué du point de vue de leur notation,  même en limitant notre sujet d’études aux régions francophones et anglophones,  puisque la France et l’Angleterre ont eu de longues et profondes relations du  point de vue historique. 
		        Le rugby à 15, dans le Tournoi des Cinq Nations,  symbolise selon moi cette complexité. Les cinq nations en question sont  l’Angleterre, l’Ecosse, l’Irlande, le Pays de  Galles et la France (A présent c’est devenu le tournoi des six nations, avec la  participation de l’Italie, mais ils étaient à cinq jusqu’en 2000).  Dans ce cas, on peut remarquer qu’en dehors  de la France, les équipes ne représentent pas un pays, mais des provinces du  Royaume-Uni (Même si l’Irlande a obtenu son indépendance au 20e  siècle).
  
		         Remarquons qu’ici, on a employé ici le terme  « Nation ». C’est un concept de communauté ayant une langue, une  culture et une économie commune, contrairement à celui d’ «Etat »,  qui est quant à lui régi par des institutions. Comme exemple concret, il suffit  d’évoquer les Basques, en Espagne, et les Kurdes en Irak. N’oublions pas que le  nom officiel du pays que nous appelons Angleterre par abus de langage est Le Royaume  Uni (United Kingdom). Les quatre communautés constituant l’union ont, de par  leur ancienneté, chacune un nom à la française, qui sont  Angleterre, Ecosse, Irlande, Galles. Autrement  dit, lorsque nous sommes confrontés à ces toponymes, nous devons faire l’effort  de penser aux termes anglais correspondants (England, etc…) que j’ai cité plus  haut. 
				 
			    
			      
			        
			            
		              La pollution du lac Taihu. (Photo : The Epoch  Times). | 
                     
			         
		       
			     En fait, le problème des noms propres ne se limite  pas à ceux qui se posent entre la langue de Molière et celle de Shakespeare. Ce  qui me chagrine dans les journaux français (et anglais), c’est que les noms de  personnes et toponymes chinois, qui devraient être notés en caractères chinois,  sont uniquement transcrits, de façon phonétique, en alphabet occidental.  Il y a à peine quelques jours, j’ai été ennuyé  devant le titre suivant du Monde (daté du 11/07) : 
			    « Le combat du Chinois Wu Lihong contre  les pollueurs du lac Taihu. » 
			    J’ai appris, en consultant une carte, que le  lac Taihu correspond au « Taiko», qui se trouve près de l’embouchure du Yangzi  Jiang. Mais pour Wu Lihong, même s’il est clair que c’est un nom de personne,  je n’ai aucune idée des caractères chinois correspondant. Dans ce genre de cas,  cela ne pose pas de problème si le personnage en question est quelqu’un de  connu. Par exemple, les graphies «Hu Jintao» ou «Wen Jiabao» ne me disent rien,  mais si je vois sur Internet les caractères  胡錦濤 (pour le Secrétaire Général du Parti Communiste chinois) et温家宝(le Premier Ministre chinois), je vois  immédiatement de qui il s’agit.   Mais dans le cas de Mr Wu Lihong, j’ai  pu voir qu’il a été arrêté en tant que militant écologique par les autorités chinoises,  mais, ne parlant pas chinois, je n’ai pu déterminer les caractères qui y  correspondent ; ce qui me laissent un sentiment bizarre d’inachevé.  
			    Selon les guides touristiques, le lac Taihu a  toujours été connu pour la beauté de ses paysages, et la ville de Wuxi (無錫 : comme il s’agit d’une transcription  phonétique, il peut y avoir d’autres graphies) aurait même été célébré en tant  que perle du Taihu. D’autre part, ils affirment que cette ville a connu une très  forte croissance en tant que l’un des 15 centres économiques de la Chine, et  son PIB compte parmi les 10 meilleurs du pays, et celui par habitant est semble  t’il le plus élevé de la province du Jiangsu (江蘇省). 
			    C’est certainement cette prospérité excessive  qui a entraîné le désastre que relate l’article.   
			      Le troisième  plus grand lac de Chine est asphyxié par des rejets industriels sauvages. 
			      Le militant écologiste qui les  dénonce depuis dix ans a été emprisonné en avril. 
			      Fin  mai,...l’écosystème du lac Taihu a rendu l’âme et... les algues malodorantes  ont fini d’envahir les robinets des habitations, privant d’eau quelque 2  millions de personnes à Wuxi...  
			      Bref,  non seulement l’avertissement de Mr Wu Lihong a été ignoré, mais en plus on  pourrait dire que ce dernier a été réduit au silence par les intrigues des  pollueurs, et ce problème de pollution nous concerne forcément. Quoi qu’il en  soit, le nom en caractères chinois de Mr   Wu Lihong me préoccupe.  
			     
             |